jeudi 7 février 2013

Pourquoi j'écris




Le texte de Joseph Antonetti en langue française, Jean-Yves Acquaviva à la traduction





 Je suis face à la feuille blanche, sans inspiration. Pour le faire savoir à tous, j'invective Dieux et Madones. 
C'est alors qu'elle me dit :
Mais pourquoi écris-tu ? 



 J'ai eu la tentation de lui demander si elle n'avait pas un truc de bonne femme à faire, frotter des carreaux, repasser du linge, mais je n'ai pas osé.
D'aucuns expliquent pourquoi ils chantent. Moi je ne le fais qu'à deux heures du matin quand je suis en bordée noire, ça et d'autres choses bien pires mais elles n'ont pas d'intérêt ici.

Je n'écris pas le fantasme d'un passé idéal que je n'ai même pas connu. Ceux qui l'ont vécu m'en ont parlé et croyez-moi, la vie n'était pas meilleure qu'aujourd'hui. 
Et le passéisme me fait chier.
Le modernisme aussi me fait chier. Je ne sublime pas la vie d'hier mais je ne me branle pas sur celle d'aujourd'hui. 
Une société ayant pour modèle Cali, Dany Boon, Manuel Valls, Ribéry et BHL peut-elle faire bander... 

Je n'écris pas pour réveiller les consciences, ce n'est pas mon rôle. Je n'écris pas pour soulever les foules à coups de promesses de libération sociale, sociétale ou nationale. Ces mots là sont dangereux pour qui ne sait les lire. L'histoire nous a enseigné que les idées que nous croyions si belles pouvaient accoucher de massacres sanglants. 
Je n'écris pas non plus pour faire rêver les gens, je refuse d'être un mystificateur et de les abreuver de faux espoirs. Je me méfie des bonimenteurs, de ceux qui vous la mettent rien qu'avec des mots. 

Mais j'écris. J'écris pour déranger votre esprit, j'écris pour vous montrer le monde tel qu'il est et pas tel que vous le voudriez et j'écris encore pour vous faire rire ou pleurer de rage, de tristesse ou de joie. 
J'écris pour vous écœurer jusqu'à vomir vos tripes, j'écris pour enflammer vos yeux de haine ou de plaisir. 

J'écris aussi pour que mon nom perdure au-delà d'une pierre tombale, ultime souvenir d'une vie de rien. 
J'écris enfin pour le plaisir du jeu des mots, pour celui de le partager avec vous.
J'écris comme un souffle de vie.



Joseph Antonetti



(Traduction Jean-Yves Acquaviva)



Illustration : Erotic typewrtitting 20's